Désignation d’un administrateur provisoire de société : l’absence de gérant de droit ne suffit pas !

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Désignation d’un administrateur provisoire de société : l’absence de gérant de droit ne suffit pas !

Les membres d’une même société peuvent parfois entrer en conflit et la survenance de certains conflits peut aller jusqu’à paralyser le fonctionnement normal de la société.

C’est ainsi que certaines circonstances peuvent justifier l’administration provisoire d’une société.

La désignation d’un administrateur judiciaire

En cas de difficultés graves empêchant le fonctionnement normal de la société, la désignation d’un administrateur judiciaire (ou “administrateur provisoire”) devra être envisagée.

Il conviendra ainsi de solliciter en Justice la désignation d’un administrateur provisoire de la société.

La demande de nomination d’un administrateur provisoire peut être présentée en justice soit par les organes d’administration ou de direction, soit par un associé ou encore par un groupe d’associés.

Cet administrateur sera alors chargé d’assurer momentanément la gestion des affaires sociales.

En réalité, l’administrateur est en principe un mandataire judiciaire chargé de se substituer temporairement aux dirigeants sociaux, pendant la durée d’une situation de crise.

Mais, dans la mesure où l’administration provisoire est une mesure d’immixtion du juge dans la sphère de la société, seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier la désignation judiciaire d’un administrateur provisoire d’une société.

Les circonstances exceptionnelles justifiant la désignation d’un administrateur provisoire

Les cas d’ouverture de l’administration provisoire – et donc de la désignation d’un administrateur provisoire – sont conditionnés.

En effet, les tribunaux vont nommer un administrateur provisoire lorsque la gestion d’une société est entravée, soit du fait des organes d’administration et de direction, soit du fait des associés, ou encore des deux à la fois.

La jurisprudence a pu apporter des précisions sur ces “situations de crise” lesquelles doivent en principe faire obstacle au fonctionnement régulier de la société et menacer l’intérêt social d’un péril imminent.

A titre d’illustrations, un administrateur a été nommé dans des cas de désaccord entre associés empêchant la réalisation de l’objet social ou encore de mésentente entre des membres du conseil d’administration d’une société de famille laquelle avait provoqué une crise grave au sein de la société.

Mais, la désignation d’un administrateur provisoire est parfois refusée par les juges.

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation apporte des précisions sur les conditions de nomination d’un administrateur provisoire pour une société dépourvue de dirigeant de droit (Cass. 3e civ. 16 novembre 2017 n° 16-23.685).

Le cas de la société dépourvue de dirigeant de droit

Les faits soumis à la Cour de cassation étaient les suivants : trois kinésithérapeutes avaient constitué une société civile immobilière et une société civile de moyens, l’un d’eux étant désigné gérant de ces sociétés pour une durée de deux ans.

A l’issue de cette période de deux ans, aucun gérant n’avait été désigné.

Un des kinésithérapeutes avait envisagé une procédure de dissolution pour chacune des sociétés du fait de la mésentente entre associés et pour ce faire, ce kinésithérapeute avait sollicité la désignation d’un administrateur provisoire pour chacune des sociétés ayant pour mission de les représenter dans la procédure de dissolution qu’il entendait engager.

Les deux autres kinésithérapeutes s’opposaient à cette désignation.

Les juges du fond avaient acquiescé à la désignation d’un administrateur provisoire, considérant que la vacance de la gérance constituait un dysfonctionnement grave des sociétés.

La Cour de cassation invalide la décision de la Cour d’appel en indiquant que la Cour d’appel n’a pas recherché « comme il le lui était demandé, si les sociétés ne fonctionnaient pas sans difficulté en dépit de la vacance de droit de la gérance et sans s’expliquer sur les « difficultés » qu’elle retenait » (Cass. 3e civ. 16 novembre 2017 n° 16-23.685).

En clair, selon la Cour de cassation, une société sans gérant n’a pas nécessairement besoin d’un administrateur provisoire.

En réalité, le kinésithérapeute ayant sollicité la désignation d’un administrateur provisoire aurait dû démontrer que l’absence de gérant de la société paralysait le fonctionnement de la société en ce que la société ne continuait pas à fonctionner « en fait » sans difficultés.

La jurisprudence est donc stricte lorsqu’elle vérifie les conditions de désignation d’un administrateur provisoire, ceci étant naturellement lié l’atteinte à la souveraineté des associés laquelle ne peut intervenir que dans des cas limités…

Louise BARGIBANT
Avocat collaborateur

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