L’action de groupe est la mesure emblématique de la loi Hamon du 17 mars 2014 intégrée au Code de la consommation et s’inspirant de la « class action » américaine.
L’action de groupe permet aux victimes d’un même préjudice de se regrouper et d’agir en Justice ensemble pour obtenir réparation de leurs préjudices matériels résultant du manquement d’un même professionnel.
Le groupe de consommateurs peut ainsi agir et se défendre en Justice avec un seul dossier et un seul avocat à condition de faire appel à une association de consommateurs agréées.
Au départ, l’action de groupe ne pouvait être engagée que dans le cas des préjudices résultant :
- d’un manquement commis à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services (action de groupe « consommation »)
- ou d’une pratique anticoncurrentielle (action de groupe « concurrence »).
Récemment, la loi 2016-41 du 26 janvier 2016 relative à la modernisation de notre système de santé a en outre créé une action de groupe ouverte aux associations agréées d’usagers visant à la réparation des préjudices corporels causés par des produits sanitaires ou cosmétiques.
Egalement, la loi 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a ajouté la possibilité d’actions de groupe en matière de discriminations, d’environnement et de protection des données à caractère personnel.
L’action de groupe « consommation » : domaines de l’action
L’action de groupe en matière de consommation est ouverte en cas de manquement d’un ou plusieurs professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles, commis « à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services » (article L. 623-1 du Code de la consommation).
Il s’agit d’une formulation assez large puisqu’elle comprend a priori toutes sortes de contrats pouvant être conclus entre un consommateur et un professionnel et dans de nombreux domaines (vente sur place, à distance, à domicile, abonnements téléphoniques, contrat d’assurance, de crédit, etc…) et tout manquement (défaut d’information, de conformité, retard de livraison, clause abusive, etc…).
La question s’est posée de savoir si les litiges nés d’un contrat de location étaient compris dans le champ d’application de l’action de groupe « consommation ».
En clair, des locataires personnes physiques peuvent-ils obtenir réparation des préjudices économiques subis du fait des manquements d’un même bailleur professionnel ou syndic à ses obligations dans le cadre d’une action de groupe ?
Dans un arrêt récent, la Cour d’appel de Paris a répondu à la question (CA Paris 9 novembre 2017 n° 16/05321).
Dans le cas d’espèce soumis aux juges d’appel, une association de consommateurs, en l’occurrence la Confédération Nationale du Logement (CNL), avait lancé une action de groupe à l’encontre d’un bailleur social pour voir déclarer illicite une clause pénale sur le retard de paiement de loyers et afin de solliciter des dommages-intérêts au profit des locataires concernés.
Le bail d’habitation : un contrat de louage de chose
La Cour d’appel de Paris déclare irrecevable l’action de groupe considérant que le bail d’habitation est un “contrat de louage de chose” au sens du Code civil et non un “contrat de fourniture de services” : « la mise à disposition d’un bien immobilier, obligation principale du bailleur dans le bail d’habitation, ne saurait donc être qualifiée de fourniture de services et correspondre, pour le locataire, à la consommation d’un service ».
Egalement, la Cour d’appel précise que le bail d’habitation régi par la loi de 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation : « il en résulte que le droit de la consommation n’inclut pas dans son champ d’application le bail d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 ».
En clair, selon la Cour d’appel de Paris, le périmètre de l’action de groupe ne comprend pas les rapports locatifs et l’action de groupe ne peut donc pas bénéficier aux locataires.
Une solution critiquable
Cette solution est critiquable dans la mesure où l’intention du législateur était de protéger le locataire.
En effet, les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi sur l’action de groupe avaient envisagé la location comme une fourniture de services.
Reste à savoir si la Cour de cassation ne remettra pas en cause cette décision, un pourvoi ayant d’ores et déjà était formé par la Confédération Nationale du Logement…
Louise BARGIBANT
Avocat collaborateur