Le 17 juillet 2019, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu deux avis (avis n°15012 et n°15013) favorables au barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit « barème Macron. »
Pour mémoire, depuis le 24 septembre 2017, date d’entrée en vigueur de l’Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est encadrée par des montants « planchers » et des montants « plafonds », lesquels varient selon l’ancienneté du salarié et le nombre de salariés dans l’entreprise (moins de 11 ou 11 et plus).
En pratique, en cas de licenciement abusif, les salariés ont perdu de façon drastique un potentiel d’indemnisation devant le conseil de prud’hommes.
Certains conseils de prud’hommes ont décidé de s’affranchir de ce barème (ex. : CPH Troyes, 13 déc. 2018, n° 18/00036 ; CPH Lyon, 21 déc. 2018, n° 18/01238 ; CPH Montpellier, 17 mai 2019, n° 18/00152, etc.). Suivant l’argumentation des salariés, ces juridictions ont écarté l’application du barème en jugeant que celui-ci était notamment contraire :
- à l’article 10 de la Convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), selon lequel l’indemnité versée en cas de licenciement abusif doit être adéquate ou prendre toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ;
- à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui consacre le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ;
- à l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La teneur des avis du 17 juillet 2019
Dans l’avis n°15012 du 17 juillet 2019 (le plus complet des deux avis), aux termes d’une argumentation quelque peu lapidaire, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation considère que :
« Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui prévoient notamment, pour un salarié ayant une année complète d’ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d’un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut, n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
Les dispositions précitées de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail. »
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation botte en touche sans se prononcer sur le fond.
Ainsi, à l’instar du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat avant elle, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation refuse d’examiner sérieusement le mécanisme d’une indemnisation enfermée dans les bornes du barème, même lorsqu’il s’agit de limiter l’appréciation du préjudice entre 1 mois et 2 mois de salaire.
Un simple avis, pas un coup d’arrêt
En tout état de cause, ces avis n’ont aucun pouvoir normatif (art. 5 CPC ; art. L. 441-3 COJ). Les juges restent parfaitement libres d’écarter le barème, soit en refusant de suivre les avis de la Cour de cassation, soit au regard des faits propres à chaque dossier qui leur est soumis. Un avis ne lie même pas la Cour de cassation elle-même, et il lui est ainsi arrivé à plusieurs reprises de ne pas suivre un avis qu’elle avait elle-même rendu précédemment (ex. : Cass. civ. 2ème, 30 janvier 2014, n°12-24.145).
Le barème n’a donc en rien été « validé » par la Cour de cassation, comme on peut le lire ou l’entendre dans les médias traditionnels.
Seule une décision rendue au fond par la Cour de cassation pourra donner un sens véritable à l’interprétation du barème au regard des textes internationaux. Il faudra probablement encore quelques années avant qu’un tel contentieux se présente devant elle.
Le barème Macron n’a pas fini de faire parler de lui.
Camille RENOY
Avocat collaborateur