Il est fréquemment prévu dans les contrats de baux commerciaux une clause de solidarité (ou « clause de garantie solidaire ») en cas de cession du bail.
Il s’agit d’une clause en vertu de laquelle le locataire cédant demeure, en cas de cession, solidairement responsable avec le cessionnaire de l’exécution des clauses du bail et du paiement des loyers.
La clause de solidarité présente un intérêt important pour le bailleur car lorsque le bail est cédé, cette clause renforce ses chances d’être payé (il pourra réclamer les loyers au cédant).
De son côté, le cédant a intérêt à être particulièrement vigilant quant au choix du repreneur car cette clause va l’engager de façon très importante si le repreneur est un mauvais payeur.
Mais que se passe-t-il lorsque la cession intervient dans le cadre d’une liquidation judiciaire du locataire cédant ?
La clause de solidarité est réputée non-écrite en cas de procédure collective
En cas de cession du fonds de commerce opérée par le liquidateur dans le cadre d’une procédure collective, les articles L. 622-15 et L. 641-12 du Code de commerce prévoient que les clauses de solidarité mentionnées au contrat de bail sont « réputées non écrites », et partant, inopposables au cessionnaire.
En clair, le bailleur ne pourra se prévaloir de la clause de solidarité et faire jouer celle-ci pour solliciter le paiement de loyers auprès du cédant dans ce cas de figure.
En réalité, le législateur a souhaité que cette clause soit non écrite car elle revenait à mettre à la charge d’un locataire déjà en difficulté l’éventuel passif du locataire qui lui succédait.
Cependant, la Cour de cassation est venue apporter une limite à ce principe en cas de nouvelle cession du bail et rappelle cette limite dans un arrêt récent (Cass. com. 15 novembre 2017 n° 16-19.131).
La clause de solidarité retrouve son plein effet en cas de nouvelle cession de droit commun
Dans le cas d’espèce soumis à la Cour de cassation, une personne acquiert le fonds de commerce d’une entreprise en liquidation judiciaire avec le droit au bail.
Après avoir revendu le tout à un tiers, elle est poursuivie par le bailleur, qui lui réclame les loyers demeurés impayés par le nouveau locataire en se prévalant de la clause de solidarité prévue par le bail en cas de cession de celui-ci.
Le cédant s’y oppose en soutenant que cette clause est non écrite en application de l’article L. 622-15 du Code de commerce car il avait acquis le fonds, avec le droit au bail, dans le cadre de la liquidation judiciaire du précédent preneur.
La Cour de cassation écarte cet argument : « Mais attendu que si l’article L. 641-12, alinéa 2, du code de commerce, qui autorise le liquidateur à céder le bail des locaux utilisés pour l’activité du débiteur, répute non écrite toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire, cette règle ne profite qu’au preneur en liquidation judiciaire de sorte qu’une telle clause retrouve son plein effet au profit du bailleur en cas de nouvelle cession du bail selon les modalités de droit commun ; que le moyen, qui postule le contraire, n’est pas fondé » (Cass. com. 15 novembre 2017 n° 16-19.131).
En clair, la cession est intervenue en dehors de toute procédure collective et en conséquence, la clause de solidarité conserve son plein effet et le cédant est donc tenu du paiement des loyers impayés par le cessionnaire.
La clause de solidarité est donc simplement « mise en sommeil » en cas de cession dans le cadre d’une procédure collective et elle renaît en cas de nouvelle cession du bail selon les modalités de droit commun.
Louise BARGIBANT
Avocat collaborateur