Lorsqu’une société rencontre des difficultés financières, elle doit envisager les procédures collectives d’apurement du passif – sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires – qui correspondent chacune à un degré différent de gravité des difficultés rencontrées par la société.
Ainsi, une société peut faire l’objet d’une sauvegarde judiciaire si elle n’est pas en cessation des paiements mais éprouve des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter.
Une société ayant cessé ses paiements peut aussi faire l’objet soit d’un redressement judiciaire si sa situation peut justifier un plan de redressement, y compris par voie de cession de l’entreprise, soit d’une liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
Le redressement et la liquidation judiciaire
Une société peut être mise en redressement ou en liquidation judiciaire si elle est en état de cessation des paiements, c’est-à-dire dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Il convient alors de démontrer l’état de cessation des paiements et cette preuve pèse sur celui qui demande l’ouverture de la procédure.
Cette démonstration passe par la détermination du passif et la détermination de l’actif de la société.
Pour le passif, le passif à prendre en considération pour caractériser l’état de cessation des paiements est le passif exigible, c’est-à-dire toute dette qui n’a pas donné lieu de la part du créancier à un moratoire ou à des facilités de paiement.
Pour l’actif, est comptabilisé l’actif disponible : la trésorerie, les réserves de crédit ou encore les avances en compte courant des associés qui ne sont pas bloquées etc…
La situation de la société s’apprécie au jour où le tribunal statue.
La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l’issue d’une période d’observation.
Quant à la procédure de liquidation judiciaire, elle est ouverte à tout débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. Elle est destinée à mettre fin à l’activité de l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens.
En clair, la mise en liquidation judiciaire d’une société requiert, outre la cessation des paiements, que le redressement de la société soit « manifestement impossible ».
Mais qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’une conversion de la procédure de redressement judiciaire en procédure de liquidation judiciaire ?
La conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire
Récemment, la Cour de cassation est venue rappeler les conditions de la conversion d’une procédure de redressement en procédure de liquidation judiciaire (Cass. Com., 28 février 2018, n° 16-19422).
Les faits étaient les suivants : un établissement de crédit espagnol avait consenti à une société française un prêt garanti par une autre société à concurrence de la somme de 9.500.000 euros.
La société garante avait, un an plus tard, fait l’objet d’une procédure de sauvegarde judiciaire.
L’établissement de crédit espagnol avait alors déclaré sa créance au passif de la société garante sous sauvegarde judiciaire.
Puis, la société garante avait sollicité la conversion de cette procédure en redressement judiciaire et un jugement avait accueilli cette demande de sorte que la liquidation judiciaire de la société garante avait été prononcée.
C’est dans ce contexte que l’établissement de crédit espagnol avait formé opposition à ce jugement au motif que la cessation des paiements de la société débitrice n’avait jamais été constatée au cours de la procédure collective.
Les juges du fond avaient rejeté la demande de l’établissement de crédit espagnol.
Un pourvoi en cassation avait alors été formé et la Cour de cassation était appelée à se prononcer sur la question.
L’impossibilité manifeste de redressement : condition nécessaire et suffisante
Dans cet arrêt, la Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel et énonce que : « la cour d’appel a exactement énoncé que, quelles que soient les conditions dans lesquelles est intervenue l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la conversion de celle-ci en une procédure de liquidation en application de l’article L. 631-15, II, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008 applicable en la cause, n’impose pas la constatation de l’état de la cessation des paiements, seule l’impossibilité manifeste du redressement devant être caractérisée ; que le moyen, qui postule le contraire, n’est pas fondé » (Cass. Com., 28 février 2018, n° 16-19422).
En clair, la Cour de cassation rappelle que la seule condition requise pour la conversion d’un redressement en liquidation judiciaire est l’impossibilité manifeste du redressement.
Elle exclut ainsi la constatation de la cessation des paiements comme condition de la conversion d’une procédure de redressement en procédure de liquidation judiciaire et confirme par cet arrêt sa jurisprudence en la matière.
Louise BARGIBANT
Avocat collaborateur