A compter de la résolution du bail, le locataire devient occupant sans droit ni titre.
S’il se maintient dans les lieux après la résolution, il commet une faute extracontractuelle qui l’expose à payer une indemnité d’occupation au bailleur : il s’agit de l’indemnité d’occupation de droit commun.
Cette indemnité d’occupation de droit commun se distingue de l’indemnité d’occupation statutaire.
L’indemnité d’occupation statutaire
L’indemnité d’occupation statutaire est distincte de l’indemnité d’occupation de droit commun puisqu’elle est quant à elle liée à l’indemnité d’éviction.
En effet, le locataire qui peut invoquer le bénéfice d’un droit au renouvellement et qui se voit refuser ce dernier est en principe créancier à l’encontre du bailleur d’une indemnité d’éviction.
Et ce même locataire a un droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction.
Mais à ce titre, le locataire n’est plus redevable de « loyers » compte tenu de la cessation du bail par l’effet du refus de renouvellement mais le locataire devient débiteur d’une indemnité d’occupation : c’est l’indemnité d’occupation statutaire.
L’article L. 145-28 du Code de commerce prévoit en effet que :
« Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation. »
En clair, cette indemnité d’occupation statutaire est due par le locataire qui a reçu un congé comportant refus de renouvellement du bail et offre de paiement de l’indemnité d’éviction.
La prescription biennale
L’article L. 145-60 du Code de commerce prévoit que :
« Toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre [Chapitre V : Du bail commercial] se prescrivent par deux ans. »
La prescription biennale – soit de deux ans – de l’article L. 145-60 du Code de commerce est donc applicable à l’action en fixation de l’indemnité d’occupation statutaire.
Mais quel est le point de départ de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation fondée sur l’article L. 145-28 du Code de commerce ?
Récemment, la Cour de cassation a rappelé les règles concernant le point de départ du délai de prescription d’une telle action (Cass. 3e civ. 18 janvier 2018, n° 16-27678).
Les faits soumis à la Cour de cassation étaient les suivants : une SCI avait donné à bail des locaux commerciaux en 1997 à une société d’aménagement, aux droits de laquelle est venue une société de vente aux enchères.
Le 19 mars 2008, la société locataire avait sollicité le renouvellement du bail au 29 septembre 2008.
Le 19 juin 2008, la SCI lui a signifié un refus de renouvellement sans offre de paiement d’une indemnité d’éviction.
Le 12 novembre 2008, la société locataire l’a assignée en contestation des motifs du congé et en fixation de l’indemnité d’éviction.
La SCI avait alors demandé la désignation d’un expert aux fins d’évaluer l’indemnité d’éviction qu’un jugement du 16 juin 2015 a fixée à un certain montant.
Le 02 novembre 2015, la SCI a exercé son droit de repentir lequel correspond à la faculté accordée au bailleur qui a refusé le renouvellement du bail, de se raviser et d’offrir finalement le renouvellement au locataire sans avoir à payer l’indemnité d’éviction, mais en supportant les frais de l’instance.
Du fait de l’exercice de ce droit, le preneur était de ce fait redevable d’une indemnité d’occupation couvrant la période allant de la date d’expiration du bail (soit le 29 septembre 2008, en l’espèce) à celle de son renouvellement.
Néanmoins, ce même locataire estimait que la demande formée par la SCI au titre de l’indemnité d’occupation était prescrite et ce, en application de l’article L. 145-60 du Code de commerce.
La Cour d’appel avait suivi le raisonnement du locataire, considérant que l’action en paiement de l’indemnité d’occupation était prescrite.
Pour déclarer prescrite l’action en paiement de l’indemnité d’occupation, l’arrêt retient que la SCI ayant exercé son droit de repentir, le délai de prescription biennale de son action en paiement de l’indemnité d’occupation a couru à compter du lendemain de la date d’expiration du bail, soit le 30 septembre 2008.
Le point de départ de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation statutaire
La Cour de cassation n’est pas de l’avis de la Cour d’appel : « Qu’en statuant ainsi, alors que le délai de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation fondée sur l’article L. 145-28 du code de commerce ne peut commencer à courir avant le jour où est définitivement consacré, dans son principe, le droit du preneur au bénéfice d’une indemnité d’éviction, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (Cass. 3e civ., 18 janvier 2018, n° 16-27678).
En clair, suivant exploit du 19 juin 2008, la SCI avait refusé à la société locataire le renouvellement du bail avec refus d’indemnité d’éviction de sorte qu’en l’état d’une telle contestation, le délai de prescription devait courir à compter du jugement du 16 juin 2015 consacrant le droit de la locataire au bénéfice d’une indemnité d’éviction et non à compter du lendemain de la date d’expiration du bail soit du 30 septembre 2008.
Louise BARGIBANT
Avocat collaborateur