La compréhension de l’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 17 avril 2019 (pourvoi n°18-10.476) nécessite quelques rappels préalables.
Le fait pour le salarié d’avoir atteint l’âge de la retraite, ou encore de pouvoir prétendre à une retraite à taux plein, n’entraîne pas automatiquement la rupture du contrat de travail. Pour qu’il soit rompu, il faut que salarié ou l’employeur en prenne l’initiative. On parle de « départ à la retraite » lorsque le salarié manifeste la volonté claire et non équivoque de rompre son contrat de travail en vue de bénéficier de sa pension de retraite. A l’inverse, lorsque c’est l’employeur qui souhaite mettre fin au contrat de son salarié, il s’agit d’une « mise à la retraite ».
Dans la présente affaire, l’employeur avait inséré, dans le contrat de travail de son salarié, un article 9 stipulé en ces termes :
« L’âge de la retraite est fixé à 65 ans. Le contrat se trouve rompu du fait que le salarié atteint cet âge. Toutefois, sur demande de l’intéressé, la société examinera l’opportunité de reculer la date de la mise à la retraite d’une période de 3 mois. Ce délai permettra aux intéressés d’attendre la liquidation définitive de leur retraite (…). »
Autrement dit, l’employeur prévoyait contractuellement la rupture automatique de la relation de travail lorsque le salarié atteignait l’âge de 65 ans… Bien mal lui en a pris.
Départ à la retraite volontaire ou imposé ?
Dans un premier temps, le salarié a notifié par courrier à son employeur qu’il allait atteindre bientôt l’âge de 65 ans et qu’ainsi, en application de l’article 9 de son contrat de travail, celui-ci serait rompu ipso facto le jour de son soixante-cinquième anniversaire. Il indiquait qu’il quitterait l’entreprise au terme du congé de fin d’année, lequel coïncidait avec son anniversaire.
Visiblement bien conseillé, le salarié a dans un second temps saisi la juridiction prud’homale aux fins d’imputer la rupture à son employeur et de dire que son départ à la retraite s’analysait en un licenciement nul. Selon lui, la rupture de son contrat de travail était intervenue en application d’une clause de son contrat de travail nulle, car liée à son âge.
Selon l’employeur, le salarié avait au contraire pris lui-même l’initiative de quitter l’entreprise au terme de ses congés de fin d’année, cette situation s’analysant en un départ à la retraite.
La Cour d’appel a suivi l’argumentaire de l’employeur. Elle a débouté le salarié de ses demandes au motif que la rupture du contrat de travail s’analysait en un départ à la retraite, donc à l’initiative du salarié, puisqu’il avait de lui-même constaté la rupture de son contrat de travail et engagé les démarches pour demander la liquidation et l’entrée en jouissance de sa pension vieillesse.
Une décision cassée par la Cour de cassation
La Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel au motif que le départ à la retraite du salarié s’appuyait sur la clause de son contrat de travail prévoyant que ce dernier était rompu du seul fait de l’atteinte de l’âge de 65 ans. Or, cette clause est nulle en application de l’article L. 1237-4 du Code du travail. En effet, le départ à la retraite doit se manifester par l’expression d’une volonté claire et non équivoque de la part du salarié concerné (Cass. soc., 15 déc. 2009, n°08-43.612), condition qui n’était pas remplie en l’espèce.
Cet arrêt s’inscrit dans le sillage de la jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis la loi Seguin du 30 juillet 1987 (Loi n°87-588 du 30 juillet 1987) instituant l’actuel article L. 1237-4 du Code du travail. Cet article prohibe les clauses « guillotines » qui prévoyaient une rupture de plein droit du contrat de travail d’un salarié à partir d’un certain âge.
Quel enseignement tirer de cette décision ?
Un employeur ne peut pas insérer dans le contrat de travail de ses salariés une clause prévoyant une rupture automatique de la relation de travail à l’issue de l’atteinte d’un certain âge, sous peine de nullité de cette clause. Le salarié qui quitterait les effectifs en application d’une telle clause, même volontairement, ne le prive pas d’introduire une action ultérieure devant la juridiction prud’homale pour obtenir la requalification de la rupture de son contrat de travail en un licenciement nul.
Encore une décision, s’il en fallait encore, qui devrait inciter les employeurs à confier la rédaction de leurs contrats de travail à un professionnel du droit.
Cass. soc., 17 avril 2019, pourvoi n°18-10.476
Camille RENOY
Avocat collaborateur