Une employée, ayant travaillé successivement pour deux sociétés d’un même groupe, est licenciée le 22 février 2019.
Estimant avoir subi une inégalité salariale par rapport à certains collègues masculins, cette dernière a saisi la juridiction prud’homale le 31 octobre 2019 pour obtenir la communication forcée des fiches de paie de ses collègues masculins, afin de les comparer avec les siennes.
La cour d’appel a accepté sa demande et ordonné aux deux sociétés de lui fournir ces fiches de paie. La cour a précisé que les sociétés pouvaient censurer les données personnelles des salariés masculines (par exemple, le numéro de sécurité sociale et l’adresse du domicile), à l’exception toutefois : des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération fixe et variable, et de la rémunération brute totale cumulée par année civile.
Les sociétés se pourvoient en cassation, estimant que la communication des bulletins de paie porte atteinte à la vie privée des salariés masculins concernés.
Toutefois, la Cour de cassation rappelle que le droit à la protection des données personnelles n’est pas absolu et doit être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux en application du principe de proportionnalité.
En clair, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle, si cela est indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte est proportionnée au but poursuivi.
D’après la Cour de cassation, la cour d’appel avait valablement jugé que la communication des bulletins de salaire des salariés masculins était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de la salariée et proportionnée au but poursuivi, c’est-à-dire la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail. Dans ces conditions, l’atteinte à la vie privée des salariés masculins était justifiée et proportionnée.
La Cour de cassation a dès lors rejeté le pourvoi des sociétés.
Les deux sociétés devront donc communiquer les bulletins de salaire des collègues masculins de la salariée ; sur cette base, elle pourra, si une inégalité de traitement est identifiée, solliciter réparation par devant le Conseil de prud’hommes.
Cass. soc. 8 mars 2023, n° 21-12.492 FSB
PB Avocats