Le droit des procédures collectives est strict et les dirigeants de droit ou de fait peuvent parfois voir leur responsabilité mise en jeu.
Tel est le cas notamment lorsque la liquidation judiciaire d’une société fait apparaître une insuffisance d’actif : le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.
En effet, il résulte de l’article L. 651-2 du Code de commerce qu’un dirigeant peut être condamné à combler le passif social si est établie l’existence d’une insuffisance d’actif, l’existence d’une faute de gestion et l’existence d’un lien de causalité.
Il s’agit de l’action dite « action en comblement de passif ».
Mais insuffisance d’actif et cessation des paiements ne doivent pas être confondues.
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation se penche sur la question de l’appréciation de l’insuffisance d’actif en cas de démission du dirigeant (Cass. com. 24 mai 2018 n° 17-10.117) et rappelle certains principes.
Rappel sur les notions d’insuffisance d’actif et de cessation des paiements
Il s’agit de deux notions bien distinctes.
L’insuffisance d’actif est la différence entre le passif déclaré et admis et l’actif disponible soit le passif net. Elle résulte donc du rapprochement entre l’actif et le passif.
La période à retenir pour la détermination de l’insuffisance d’actif est la période antérieure à la procédure collective.
L’insuffisance d’actif est une condition de l’engagement de la responsabilité d’un dirigeant d’une société en liquidation judiciaire.
Elle doit être appréciée par le juge au moment où il statue sur l’action en responsabilité.
Quant à la cessation des paiements, il s’agit de la situation de la société qui est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Elle conditionne l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Quand un dirigeant poursuivi en comblement de passif a démissionné avant l’ouverture de la procédure collective, l’insuffisance d’actif s’apprécie au vu de l’actif et du passif de la société au jour de la cessation de ses fonctions et l’insuffisance d’actif ne peut se déduire de la cessation des paiements, même antérieure à la démission du dirigeant.
C’est que vient de rappeler la Cour de cassation (Cass. com. 24 mai 2018 n° 17-10.117).
L’appréciation de l’insuffisance d’actif à la date de démission du dirigeant
Dans un arrêt récent, il était question de la responsabilité d’un dirigeant démissionnaire à combler le passif après la mise en liquidation judiciaire de la société.
Le dirigeant avait démissionné de ses fonctions de dirigeant le 30 juin 2010 puis la société avait été mise en redressement puis en liquidation judiciaire en novembre 2010.
Par un jugement de février 2011, la date de cessation des paiements avait été reportée au 15 avril 2010 soit avant la démission du dirigeant.
Le liquidateur avait alors assigné en responsabilité pour insuffisance d’actif le dirigeant de la société.
La Cour d’appel avait condamné le dirigeant à payer la somme de 100.000 euros au titre de sa contribution à l’insuffisance d’actif considérant qu’il y avait lieu de rechercher l’existence d’une insuffisance d’actif à la date de la démission du dirigeant et retenant que l’incidence du jugement ayant reporté la date de la cessation des paiements au 15 avril 2010 est significative de la réalité de la situation financière compromise de la société avant la cessation des fonctions de son dirigeant.
La Cour de cassation sanctionne le raisonnement des juges du fond : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle ne pouvait déduire de l’état de cessation des paiements de la société, constitué par l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible, la preuve de l’existence d’une insuffisance d’actif, laquelle s’apprécie au regard de la situation globale du passif et de l’actif de la société, à la date de la démission du dirigeant, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
En clair, l’insuffisance d’actif ne peut se déduire de la cessation des paiements, même antérieure à la démission du dirigeant.
Egalement, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence : l’insuffisance d’actif doit être constatée à la date de cessation des fonctions de l’ancien dirigeant.
Louise BARGIBANT
Avocat collaborateur