La question de la validité d’une cession de parts sociales, même sans signature, suscite de nombreuses interrogations, notamment en matière de sociétés civiles immobilières (SCI). L’arrêt récent de la Cour de cassation du 4 juillet 2024 apporte des clarifications importantes sur ce sujet sensible.
Rappel des faits
En 2000, 3 associés participent à la création d’une SCI. L’un d’eux acquiert 45% des parts sociales. En 2009, ses parts sont officiellement cédées pour un montant de 2 000 euros. Cependant, ce dernier affirme ne pas avoir signé l’acte de cession et conteste la transaction, exigeant une compensation financière pour les préjudices subis. La cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette sa demande, décision qu’il conteste devant la Cour de cassation.
L’absence de signature
L’un des principaux arguments avancés par le cédant repose sur l’article 1865 du Code civil, qui dispose que la cession de parts sociales dans une société civile doit être constatée par écrit. Toutefois, la Cour de cassation confirme ici que cet écrit n’est pas une condition de validité intrinsèque de la cession mais qu’il en facilite l’opposabilité aux tiers. Les juges rappellent que l’accord des parties suffit à rendre la cession valide tant qu’elle est prouvable par d’autres éléments, en conformité avec le droit commun de la preuve.
Les éléments de preuve
Face à l’absence de signature de l’acte de cession, deux éléments probants ont été retenus :
- Une attestation signée par l’ancien associé
En octobre 2009, celui-ci signe une attestation devant un fonctionnaire municipal qui authentifie sa signature. Ce document fait mention de la cession des parts et du remboursement de son compte courant. Cette attestation est considérée comme un commencement de preuve par écrit, en vertu des règles de preuve écrite et de leur application en droit des affaires.
- Le comportement du cédant
De 2009 à 2014, le cédant n’a pris aucune mesure pour s’informer de la gestion de la société, ni assisté aux assemblées générales, ni demandé des comptes sur les opérations de la SCI. Ce désintérêt prolongé a été interprété comme une reconnaissance tacite de son désengagement de la SCI, renforçant ainsi l’hypothèse qu’il avait bien cédé ses parts.
L’importance de l’attestation devant une autorité municipale
Le recours à un fonctionnaire municipal pour certifier une signature confère une valeur probante à l’attestation de cession. Dans cette affaire, cette certification joue un rôle décisif, permettant aux juges de se prononcer sans avoir recours à une vérification d’écriture. Ce processus de certification légitime ainsi l’acte de cession aux yeux de la loi, indépendamment de l’absence de signature sur l’acte initial contesté.
Le jugement final
La Cour de cassation rejette le pourvoi, validant la décision de la cour d’appel. Cet arrêt rappelle l’importance des éléments probants dans les litiges civils, soulignant qu’une signature n’est pas toujours nécessaire pour qu’une cession de parts soit juridiquement valide, pourvu qu’il existe des preuves écrites ou des comportements qui appuient l’existence de l’accord.
L’arrêt du 4 juillet 2024 marque ainsi une avancée dans la jurisprudence concernant la cession de parts sans signature en France. Il montre que, dans certains cas, une preuve par écrit sous la forme d’attestations officielles et de comportements postérieurs à la cession peut suffire à établir la validité de la transaction. Cet arrêt pourrait donc servir de référence pour des cas similaires à l’avenir, encourageant les parties à conserver des preuves écrites et à adopter des comportements cohérents avec leurs prétentions, même en l’absence de signature formelle.
Cass. Civ. 4 juillet 2024, n° 23-10534
PB Avocats