Un salarié, par une lettre datée du 23 novembre 2017, a informé son employeur de sa démission. Bien que cette lettre soit signée de sa main, elle a été rédigée et remise à l’employeur par son épouse. Par la suite, le 16 février 2018, il a demandé sa réintégration, ce que l’employeur a refusé.
Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour contester cette démission. L’affaire est allée jusqu’en appel, où la cour d’appel a jugé par un arrêt du 5 octobre 2022 que la démission était claire et non équivoque, et qu’ainsi le salarié était infondé à la contester. Elle a retenu qu’aucun élément ne prouvait que l’épouse du salarié avait mal compris ses intentions en rédigeant une lettre de démission.
Le salarié a formé un pourvoi en cassation.
Dans le cadre de son pourvoi, le salarié a argué que la démission doit être une manifestation claire et non équivoque de la volonté démissionnaire du salarié. En effet, selon les articles L. 1231-1 et L. 1231-7 du Code du travail, la démission ne peut résulter que d’une « volonté claire et non équivoque ».
Or, d’après le pourvoi du salarié, il n’avait jamais demandé à son épouse de rédiger une lettre de démission, mais une simple lettre informant l’employeur de son absence, et que son épouse l’avait envoyée de son propre chef en ”pensant ce que c’était la meilleure chose à faire’’. L’initiative à la fois de l’envoi et du contenu de la lettre avait relevé de la seule décision de l’épouse, sans la présence du salarié et sans instruction précise de sa part.
Dans sa décision du 07 mai 25017 (pourvoi n°22-23.479), la Cour de cassation relève que la cour d’appel elle-même avait constaté que le salarié avait envoyé [probablement par email, mais cela ne ressort pas des termes de la décision] à son épouse une lettre vierge comportant sa seule signature en vue de la rédaction « d’une lettre » à son employeur, que celle-ci avait complétée a posteriori en rédigeant un texte de démission.
Selon la Cour de cassation, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, car le fait que le salarié ait signé une lettre vierge et non une lettre de démission, dont le texte a été rédigé post-signature, ne caractérisait pas de sa part une volonté claire et non équivoque de démissionner.
Par conséquent, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt du 5 octobre 2022, renvoyant l’affaire devant une autre cour d’appel pour y être rejugée.
La leçon à tirer de cette décision de la Cour de cassation est claire et non équivoque : une lettre de démission peut être rédigée par un tiers, à la condition que cette rédaction traduise la volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner. Ce qui n’est pas le cas d’un texte de démission rédigé a posteriori sur une lettre vierge comportant la seule signature du salarié.
Par précaution, tout employeur qui reçoit une lettre de démission par l’intermédiaire d’un tiers doit contacter le salarié concerné et lui demander de confirmer (ou le cas échéant d’infirmer) par écrit son intention de démissionner.
Cass.soc. 7 mai 2024, n°22-23749
PB Avocats