Tout employeur doit assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et doit veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations (art. L. 6321-1 C. trav.), et même si ceux-ci ne demandent pas à bénéficier de formations.
L’obligation de veiller au maintien de la capacité du salarié à occuper un emploi…
La chambre sociale de la Cour de cassation est venue rappeler le régime de cette obligation dans une décision du 8 juillet 2020.
Les faits soumis à la Haute Juridiction étaient les suivants : un salarié engagé en novembre 1979 par un syndicat des copropriétaires et qui a occupé à compter du 1er novembre 1983 un poste d’employé d’immeuble, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 13 août 2012.
Contestant cette mesure, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes relatives tant à l’exécution qu’à la rupture de son contrat de travail.
Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation (art. L. 6321-1 C. trav.), la cour d’appel d’Aix-en-Provence a retenu :
- qu’il n’était pas établi que le salarié ne disposait pas des capacités nécessaires pour exercer ses fonctions d’employé d’immeuble ni que ces dernières connaissaient des évolutions nécessitant une formation afin de lui permettre de continuer à les assurer de manière satisfaisante ;
- qu’en outre, depuis son embauche en 1979, le salarié n’indique pas avoir demandé à bénéficier d’une formation ni même avoir sollicité l’employeur de manière générale pour connaître les formations qui pouvaient lui être proposées.
Insatisfait, le salarié se pourvoit en cassation.
… relève de l’initiative de l’employeur
La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel.
Elle retient que le salarié soutenait, sans être contredit par l’employeur, qu’il n’avait bénéficié d’aucune formation durant sa très longue présence dans l’entreprise. En effet, il était constant que de son embauche le 2 novembre 1979 à son licenciement le 13 août 2012, son employeur ne lui avait fait bénéficier d’aucune formation en 33 ans.
Dans le cadre de son pouvoir de contrôle de la motivation (argumentation) de l’arrêt rendu par la cour d’appel, la Cour de cassation censure l’arrêt en ce qu’il s’est fondé sur des « motifs inopérants » pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation. En d’autres termes, la cour d’appel ne pouvait pas valablement débouter le salarié pour les raisons « inopérantes » qu’elle a retenues.
Ainsi, et de façon implicite, la Cour de cassation rappelle :
- que l’absence totale de formation pendant une longue période constitue un manquement de l’employeur à ses obligations;
- et que l’absence de sollicitation du salarié pour bénéficier de formation(s) ne saurait exonérer l’employeur de l’obligation de formation qui lui incombe, et qui relève de sa seule initiative.
La Cour de cassation renvoie l’affaire devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement constituée pour qu’elle statue à nouveau sur la demande de dommages-intérêts. L’arrêt de cassation rendu par la Haute Juridiction ne préjuge pas de la décision qui sera prise ultérieurement par la cour d’appel de renvoi, car il revient encore au salarié de justifier du préjudice exact qu’il a subi du fait de la violation par son ancien employeur de son obligation de formation.
Soit la cour d’appel estimera que le salarié apporte la preuve du préjudice subi, et en tel cas des dommages-intérêts pourraient lui être alloués. Soit la cour d’appel jugera que cette preuve n’est pas rapportée, et elle déboutera, une fois encore, le salarié de sa demande.
Cass. soc. 8 juillet 2020, n°19-12.105
PB Avocats