La liberté d’agir en justice est un droit fondamental pour tout salarié.
Un salarié est donc libre de déposer une plainte pénale contre son employeur ou de témoigner en justice contre lui. Le licenciement prononcé pour ce motif est alors nul, y compris lorsqu’il sanctionne l’éventualité d’une action en justice du salarié à l’encontre de son employeur.
Mais celle-ci a des limites lorsque le salarié abuse de cette liberté, notamment lorsqu’il s’en sert pour intimider son employeur.
Un arrêt récent de la Cour de cassation de décembre 2022 est venu illustrer cette notion d’abus. Dans cet arrêt, les faits étaient les suivants : un conducteur de métro de la RATP a été licencié pour faute grave, car il avait menacé son supérieur de déposer une plainte pénale à son encontre dans le but de l’intimider si celui-ci persistait dans sa volonté de le recevoir en entretien disciplinaire.
Abus du droit d’agir en justice
Or d’après le salarié, ce licenciement était frappé de nullité, son employeur ayant pris cette décision en raison de l’action en justice susceptible d’être introduite par lui à l’encontre de son supérieur. Ce licenciement aurait ainsi porté atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie : celle du droit d’agir en justice.
Cependant, la cour d’appel a jugé que les menaces du salarié étaient abusives. La Cour de cassation approuve la décision de la cour d’appel dont elle reprend le raisonnement : l’expression par le salarié de son souhait de déposer plainte contre son employeur ne résultait pas, en l’espèce, d’une authentique volonté d’agir en justice mais illustrait, dans un contexte global de menaces à l’endroit de ses collègues et supérieurs, une logique d’intimidation de son interlocuteur. Les juges ont donc souligné le caractère répété et insistant de ces menaces. Les juges ont en outre relevé que le salarié avait déjà proféré des menaces similaires par le passé. Dès lors, il a été jugé que le salarié avait fait preuve de mauvaise foi et commis un abus dans l’exercice de son droit d’agir en justice.
De plus, comme l’a rappelé la Haute Juridiction, les juges du fond ont un pouvoir souverain d’appréciation des faits et ont donc la capacité de déterminer si un tel comportement est abusif ou non.
À noter que les juges semblent sensibles au caractère répétitif des menaces. C’est cette multiplication des faits qui leur permet d’admettre un abus dans la liberté d’agir en justice. La solution aurait probablement été différente si le salarié s’était limité à une menace ponctuelle.
Un tel abus n’est que rarement reconnu par la Cour de cassation, ce qui fait tout l’intérêt de cette décision.
Cass. soc. 07 décembre 2022 n° 21-19.280
PB Avocats