Les paiements réalisés par carte bancaire, par virement ou prélèvement font l’objet d’un régime unifié qui précise les obligations des prestataires de services de paiement en la matière.
Concrètement, les prestataires de services sont les établissements de crédit et les établissements de paiement (banques) lesquels sont soumis aux dispositions du Code monétaire et financier.
Les virements et prélèvements nationaux ou transfrontaliers en euros s’effectuent selon des normes communes (SEPA ou « Single Euro Payments Area », c’est-à-dire « Espace unique de paiement en euros »).
Pour ces opérations, l’identification bancaire du débiteur et du créancier destinataire s’effectue grâce à leur IBAN (« International Bank Account Number ») et leur BIC (« Bank Identifier Code »), ce dernier code n’étant plus requis depuis le 1er février 2016 pour les paiements transfrontaliers.
Ainsi, une opération de virement doit se faire conformément à ces éléments d’identification bancaire.
Mais que se passe-t-il lorsque l’opération a été mal exécutée du fait d’une information inexacte sur l’identité du bénéficiaire donnée par le donneur d’ordre lui-même ? Qui engage sa responsabilité ?
Récemment, la Cour de cassation a apporté des précisions sur ces points.
Rappel des principes posés par le Code monétaire et financier
L’article L. 133-21 du Code monétaire et financier pose les principes suivants :
« Un ordre de paiement exécuté conformément à l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l’identifiant unique.
Si l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est inexact, le prestataire de services de paiement n’est pas responsable de la mauvaise exécution de l’opération de paiement.
Toutefois, le prestataire de services de paiement du payeur s’efforce de récupérer les fonds engagés dans l’opération de paiement. Le prestataire de services de paiement du bénéficiaire communique au prestataire de services de paiement du payeur toutes les informations utiles pour récupérer les fonds. Si le prestataire de services de paiement du payeur ne parvient pas à récupérer les fonds engagés dans l’opération de paiement, il met à disposition du payeur, à sa demande, les informations qu’il détient pouvant documenter le recours en justice du payeur en vue de récupérer les fonds.
(…) ».
Ainsi, en cas d’opération mal exécutée, la responsabilité est répartie selon les principes suivants :
- Le payeur est responsable s’il donne à son prestataire de services de paiement un identifiant inexact du bénéficiaire mais le prestataire doit alors s’efforcer de récupérer les fonds (C. mon. fin. art. L 133-21) ;
- Si l’ordre de paiement correctement donné par le payeur est mal exécuté, la responsabilité en incombe aux prestataires de paiement dans les conditions suivantes (article L 133-22-1, I du Code monétaire et financier) :
- le prestataire de services de paiement du payeur est responsable de la bonne exécution du paiement à l’égard du payeur jusqu’à réception du montant du paiement par le prestataire du bénéficiaire ; si le problème d’exécution apparaît pendant cette période, le prestataire du payeur restitue à celui-ci sans tarder le montant du paiement et, si besoin est, il devra rétablir le compte débité dans la situation qui aurait prévalu si l’opération de paiement mal exécutée n’avait pas eu lieu ;
- à partir du moment où il a reçu le montant du paiement, le prestataire du bénéficiaire est responsable de la bonne exécution du paiement à l’égard du bénéficiaire ; si le problème d’exécution survient après cette réception, le prestataire doit immédiatement mettre le montant de l’opération de paiement à la disposition du bénéficiaire et, si besoin est, crédite son compte du montant correspondant.
Par le passé, la Cour de cassation avait une interprétation assez sévère de la responsabilité du banquier réceptionnaire d’un ordre de virement.
De la nécessité de vérifier l’identité du bénéficiaire du virement …
La Cour de cassation avait pu juger que : « la banque réceptionnaire d’un ordre de virement, même électronique, ne peut se borner, avant d’en affecter le montant au profit d’un de ses clients, à un traitement automatique sur son seul numéro de compte, sans procéder à une vérification du nom du bénéficiaire, dès lors qu’il est inclus dans les enregistrements reçus du donneur d’ordre, et qu’il n’a pas été exclu de tout contrôle avec l’assentiment de ce dernier ».
La Cour de cassation en concluait que « la banque avait commis une faute en s’abstenant de procéder à la vérification de la concordance entre le nom du bénéficiaire du virement et le nom du titulaire du compte, qui lui aurait permis de constater que la société Serbat, titulaire du compte ouvert dans ses livres recevant les fonds, n’était pas le bénéficiaire des ordres de paiement » (Cass. com. 2 novembre 2016 n° 15-12.325).
En clair, la banque du bénéficiaire du virement avait commis une faute lorsqu’elle affectait le montant du virement électronique au profit d’un de ses clients, en procédant à un traitement automatique sur son seul numéro de compte, sans vérifier le nom du bénéficiaire.
… À l’absence de responsabilité de la banque réceptrice en cas d’identifiant erroné
Aujourd’hui, l’article L 133-21 in fine dispose que « Si l’utilisateur de services de paiement fournit des informations en sus de l’identifiant unique ou des informations définies dans la convention de compte de dépôt ou dans le contrat-cadre de services de paiement comme nécessaires aux fins de l’exécution correcte de l’ordre de paiement, le prestataire de services de paiement n’est responsable que de l’exécution de l’opération de paiement conformément à l’identifiant unique fourni par l’utilisateur de services de paiement. »
La Cour de cassation rappelle donc dans un arrêt récent la lettre de ce principe.
Ainsi, dans un arrêt du 24 janvier 2018, la Haute juridiction décide que la banque du bénéficiaire d’un virement n’a pas à vérifier la concordance entre l’identifiant unique de virement dont elle est réceptrice et le numéro de compte du bénéficiaire désigné et qu’en conséquence, la banque qui exécute l’ordre donné n’est pas responsable de la mauvaise exécution de l’ordre de paiement, car c’est l’indication, par le donneur d’ordre, d’un numéro de compte erroné, qui a été la cause du crédit du mauvais compte (Cass. Com. 24 janvier 2018, n° 16-22.336).
En l’espèce, une société avait donné à sa banque un ordre de virement d’une somme sur le compte d’une entreprise, ouvert dans les livres d’une autre banque. L’identifiant fourni par la société étant inexact, la somme avait été virée sur le compte d’un tiers.
La banque de la société donneur d’ordre avait remboursé à la société la somme virée et demandait des dommages-intérêts à la banque réceptrice de l’ordre, lui reprochant d’avoir commis une faute : celle ne pas avoir recherché si l’identifiant unique du virement reçu coïncidait avec le numéro de compte de la société bénéficiaire de l’ordre de virement.
La Cour d’appel avait condamné la banque qui avait exécuté l’ordre donné retenant qu’elle avait commis une faute à l’origine directe et exclusive du dommage subi par la banque du donneur d’ordre.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis : l’ordre de virement litigieux avait été exécuté en utilisant l’identifiant unique fourni par le donneur d’ordre à sa banque et transmis par celle-ci à la banque du bénéficiaire désigné, cette dernière n’était donc pas responsable de la mauvaise exécution de l’opération.
En réalité, la Cour de cassation applique à la lettre l’article L. 133-21 du Code monétaire et financier issu de la transposition de la directive européenne 2007/64/CE sur les services de paiement.
Louise BARGIBANT
Avocat collaborateur