La charge de la preuve en matière d’heures supplémentaires, prévue à l’article L. 3171-4 du Code du travail, fait régulièrement l’objet de décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation.
Tout salarié qui réclame le paiement des heures accomplies doit présenter des éléments suffisamment précis afin de permettre à son employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. La charge de la preuve ne pèse donc exclusivement sur aucune des parties : elle est dite « partagée entre les parties ».
Le juge forme ainsi sa conviction en tenant compte de l’ensemble des éléments produits par le salarié et l’employeur.
Dans un arrêt récent, la chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser en quoi consistent ces « éléments suffisamment précis ».
Rappel des faits et de la procédure
Un salarié, engagé à compter du 1er septembre 2008 par une société en qualité de technico-commercial, a saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Il formulait notamment une demande de rappel d’heures supplémentaires réalisées et non rémunérées, qu’il fondait sur un décompte d’heures qu’il avait établi. De son côté, l’employeur, qui critiquait ce décompte, ne produisait aucun élément quant au contrôle de la durée de travail effectuée par le salarié.
La Cour d’appel de Nîmes a débouté le salarié de sa demande de rappel d’heures supplémentaires impayées, au motif que le décompte produit était insuffisamment précis car il ne précisait pas, pour chaque jour travaillé, la prise éventuelle d’une pause méridienne.
Le salarié s’est pourvu en cassation.
Il soutenait que son décompte était suffisamment précis, nonobstant l’absence de mention d’une pause méridienne, pour permettre à l’employeur d’y répondre avec ses propres éléments. Or l’employeur, qui a admis en cours de procédure qu’il ignorait le nombre d’heures accomplies par le salarié et qu’il ne les contrôlait pas, n’a fourni aucun élément en réponse à ceux produits par le salarié. En le déboutant purement et simplement de sa demande, la Cour d’appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, violant ainsi les dispositions de l’article L. 3171-4 du Code du travail qui prévoit que la preuve est partagée entre le salarié et l’employeur.
La charge de la preuve ne peut peser uniquement sur le salarié
La Cour de cassation relève qu’il ressortait des propres constatations de la Cour d’appel :
- que le salarié avait communiqué “un décompte des heures de travail qu’il indiquait avoir accomplies durant la période considérée, lequel mentionnait, jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d’heures quotidien et le total hebdomadaire’’ ;
- et que l’employeur admettait elle-même ignorer le nombre d’heures accomplies par le salarié et ne pas les contrôler, de sorte qu’il ne fournissait aucun élément en réponse à ceux produits par le salarié.
La seule absence de précision d’une « pause méridienne » dans un tel décompte n’empêche pas l’employeur de produire ses propres éléments pour y répondre. Ce qu’il s’est abstenu de faire puisque, de son propre aveu, il ne contrôlait pas les heures de travail de son salarié.
En clair, pour la chambre sociale de la Cour de cassation, les éléments fournis par le salarié étaient suffisamment précis. L’arrêt est cassé, et l’affaire sera rejugée par la Cour d’appel de Montpellier.
Cass. soc. 27 janvier 2021, n° 17-31.046 FPPBRI
PB Avocats