Une société exploite un hypermarché en Guadeloupe. Suite à la dénonciation d’accords d’entreprise, un groupe de salariés a exercé son droit de grève entre novembre 2018 et janvier 2019. Lors d’une réunion en avril 2019, l’employeur a annoncé le versement d’une prime exceptionnelle à certains non-grévistes, attribuée en raison d’une surcharge de travail exceptionnelle. Cette prime n’étant pas liée selon l’employeur à un résultat au titre de l’année 2018, mais aux travaux supplémentaires que certains collaborateurs ont dû accomplir durant les 4 derniers mois, et ce en plus de leurs tâches habituelles. Elle en veut pour preuve que cette prime n’a pas été versée à tous les non-grévistes, mais uniquement à ceux qui ont consenti à l’accomplissement de ces travaux supplémentaires.
Contestation judiciaire
Les salariés en grève, soutenus par un syndicat, ont chacun poursuivi la société pour discrimination devant la juridiction prud’homale afin d’obtenir sa condamnation à payer cette même prime à tous les salariés, qu’ils soient grévistes ou non grévistes, ainsi qu’à des dommages-intérêts pour manquement par la société à ses obligations d’exécution de bonne foi du contrat de travail.
Condamnée par la cour d’appel à verser à chaque salarié un rappel de salaire au titre de la prime exceptionnelle, la société s’est pourvue en cassation contre chacune des décisions l’ayant condamnée (une décision par salarié).
Car selon elle : « n’est pas discriminatoire le versement d’une prime à des salariés non-grévistes lorsque sa cause est étrangère à l’exercice du droit de grève ».
L’attribution de cette prime n’était pas discriminatoire, car fondée sur des éléments objectifs
En effet, la prime exceptionnelle avait été versée non pas à tous les salariés non-grévistes, mais seulement aux employés non-grévistes ayant accepté d’exécuter des tâches supplémentaires ne relevant pas du périmètre habituel de leurs fonctions. Par ailleurs, la prime versée avait varié dans son montant en fonction des tâches effectuées par chaque salarié concerné.
La Cour de cassation rappelle qu’en application de l’article L. 2511-1 du code du travail, ne constitue pas une mesure discriminatoire l’attribution à certains salariés non-grévistes d’une prime exceptionnelle correspondant à un surcroît de travail ou à la réalisation de tâches en dehors de celles prévues par leur contrat de travail.
Elle met donc en lumière deux éléments objectifs sur lesquels l’employeur a valablement pu fonder le versement de primes à certains salariés non-grévistes : le surcroît de travail et la réalisation de tâches non habituelles (ces deux éléments n’étant pas cumulatifs).
La Cour d’appel n’a, d’après la Cour de cassation, pas donné de base légale à ses décisions, qui sont en conséquence cassées.
Cass. Soc. 3 avril 2024, n° 22-23321
PB Avocats