La rupture conventionnelle individuelle (RCI) est un dispositif permettant de mettre fin à un contrat de travail d’un commun accord, tout en étant encadrée par un formalisme rigoureux visant à garantir l’intégrité du consentement des parties. Ce cadre juridique, bien que contraignant, a pour objectif de protéger les contractants des inégalités de pouvoir inhérentes à la relation de travail. Par un arrêt du 19 juin 2024, la Cour de cassation a apporté des précisions importantes sur la notion de dol et sur les effets d’une RCI annulée en raison d’un vice du consentement. Cet arrêt constitue une évolution jurisprudentielle significative pour appréhender les répercussions juridiques de la dissimulation volontaire d’informations cruciales par l’une des parties.
Une rupture entachée de dol
Dans cette affaire, un employeur avait conclu une RCI avec un responsable commercial qui avait invoqué un désir de reconversion professionnelle dans le management. Or, il s’est avéré que le salarié était parallèlement engagé dans la création d’une entreprise concurrente avec deux anciens collègues. Cette information sciemment dissimulée par le salarié a conduit l’employeur à solliciter l’annulation de la RCI pour dol, arguant que son consentement avait été vicié par cette omission volontaire.
Le dol, tel que défini à l’article 1137 du Code civil, réside dans la dissimulation intentionnelle d’une information déterminante pour l’autre partie. En l’espèce, la cour d’appel a constaté que l’employeur avait donné son consentement en se basant exclusivement sur les raisons avancées par le salarié concernant sa reconversion professionnelle. Le salarié, en omettant délibérément de révéler son implication dans une activité concurrentielle, a altéré de manière significative le consentement de l’employeur. La Cour de cassation a entériné cette analyse, en concluant que l’élément intentionnel du dol était établi et que cette dissimulation avait suffisamment vicié le consentement pour entraîner la nullité de la RCI.
Nullité de la RCI et assimilation à une démission
La Cour de cassation juge que l’annulation de la RCI pour dol commis par le salarié équivaut à une démission. Le salarié est donc contraint de restituer l’indemnité de rupture conventionnelle perçue dans le cadre de la rupture, et de verser une indemnité compensatrice correspondant au préavis non effectué.
Il est à noter que la reconnaissance du vice du consentement de l’employeur reste relativement rare. Pour être retenu, l’élément dissimulé doit être objectivement déterminant dans la décision de l’employeur, ce qui nécessite une évaluation stricte des faits par les juges du fond. En outre, la procédure de RCI est encadrée par des règles formelles strictes, telles que la tenue d’un entretien préalable et le respect du délai de rétractation, afin de limiter les abus potentiels. L’analyse du dol implique une évaluation approfondie des intentions des parties, ce qui en restreint la portée pratique car elle est fortement dépendante de l’aléa judiciaire.
Cass. soc., 19 juin 2024, n° 23-10.817
PB Avocats